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Jacques Paradoms
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Un livre : variation sur "La porte étroite"

 

unlivre

Dans les années 60, un adolescent dont la famille reste attachée aux traditions et aux conventions, ne vit qu’à travers les livres, notamment l’œuvre d’André Gide. La porte étroite, semble s’appliquer à sa propre situation et va mener sa vie. Il passe beaucoup de temps avec Christine, sa nouvelle cousine par remariage, plus âgée que lui, protestante (alors qu’il est catholique) et très pieuse. Longtemps, leur relation reste amicale : les deux jeunes gens se promènent, parlent de littérature, écoutent de la musique classique. Lorsque Christine lui apprend qu’elle a reçu une demande en mariage qu’elle a l’intention de refuser, le narrateur comprend qu’il est amoureux d’elle et lui demande sa main, lorsqu’il aura finit ses études. Elle commence par accepter.
Un roman au style agréable et classique. Les citations tirées de La porte étroite sont harmonieusement intégrées et ajoute un niveau au récit ; l’intertextualité se superpose à la fiction.
Histoires amoureuses au sein de la famille, amour platonique, amour de l’art, religion, tradition familiale… Tous les ingrédients sont réunis pour un récit à l’image des romans sentimentaux anglais, avec une fin où la raison l’emporte. 

EXTRAIT 

 

D’autres en auraient pu faire un livre ; mais l’histoire que je raconte ici, j’ai mis toute ma force à la vivre et ma vertu s’y est usée *. C’est donc très simplement qu’au crépuscule de mes jours, j’évoquerai mes souvenirs. Pour mieux retrouver mon état d’esprit de l’époque, je me suis isolé dans un petit hôtel en Bretagne, sur une côte sauvage que l’océan insulte et que la vague outrage. La nature suppliciée par l’hiver me rappellera les tourments de ma jeune âme.

Mais quel récit en ferai-je ? Conterai-je l’histoire d’un amour malheureux – ou plutôt d’une illusion d’amour – ou celle, bien réelle d’une passion pour un livre ?

Enfant timide et solitaire, je ne vécus longtemps que pour et par les livres. Mes seuls amis furent les person-nages des romans que je lisais le jour et avec lesquels, le soir, je m’inventais des aventures. Très tôt, je commençai à écrire de courtes histoires. À l’adolescence, je trouvai cette vie par procuration bien moins compliquée que celle de mes pairs obsédés par les filles qui m’attiraient et m’effrayaient à la fois. Les femmes des romans me paraissaient d’autant plus accessibles que, dans mes fantasmes, j’arrivais à les séduire. J’étais comme ces romantiques de Nerval pour qui « la femme réelle révoltait notre ingénuité ; il fallait qu’elle apparût reine ou déesse, et surtout n’en pas approcher. »

N’en pas approcher ! Depuis cette histoire, cette expression, prise non au sens physique mais métaphorique, devint une règle de vie. N’en pas approcher signifia pour moi éviter à jamais cet ennemi mortel de l’amitié qu’est l’amour. Et depuis lors, à un amour, même platonique, j’ai toujours préféré une amitié, même amoureuse.

Bien des livres m’ont marqué. Mais je réalise que je n’éprouvai que de la sympathie pour les personnages. Jusqu’au jour où je découvris les œuvres d’André Gide. Alors que j’étais en humanités, nous dûmes lire, pour le cours de littérature, La symphonie pastorale. Paradoxalement, le climat du roman me séduisit, le protestantisme pourtant austère des personnages me rassura. Il me sembla que, pour eux, la vie était simple, qui trouvait réponse à toutes ses questions dans les versets de la Bible. J’enchaînai derechef par la lecture de La porte étroite et me pris d’amour pour cette œuvre. Comme j’aurais voulu vivre une histoire aussi romantique et aussi intense !

Je lus d’autres ouvrages par la suite. Il me sembla que j’oubliai les hésitations d’Alissa et les tourments de Jérôme. Mais il apparut plus tard que leur histoire resta enfouie dans mon subconscient pour en resurgir sans crier gare quand je fis mieux la connaissance de Christine.
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*Les passages en italique suivis du signe * sont extraits de "La porte étroite" d’André Gide. 

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